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Rui Oliveira dit n’avoir plus « 5 % de batterie », une charge insuffisante quand on est champion olympique et que le Portugal entier a envie de vous appeler. « Je dois brancher mon téléphone les gars, je n’ai même pas eu le temps d’envoyer un message à toute ma famille », supplie devant les journalistes le cycliste, fraîchement sacré sur l’américaine, samedi 10 août, dans le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines (Yvelines).
Associé à Iuri Leitao, Rui Oliveira vient d’écrire l’histoire olympique de son pays. Une histoire modeste et rédigée avec des pointes aux pieds. Pour la première fois, le Portugal remporte une médaille d’or en dehors de l’athlétisme. Oliveira et Leitao intègrent aussi une toute petite confrérie dont le marathonien Carlos Lopes a été le fondateur en 1984 à Los Angeles. Depuis, elle avait vu l’arrivée de la marathonienne Rosa Mota (1988), de Fernanda Ribeiro sur 10 000 m (1996) et des triples sauteurs Nelson Evora et Pedro Pichardo (2008 et 2021).
Forcément, il y a de quoi avoir la larme très facile. « Je n’en reviens pas. Je n’ai jamais gagné une course de ma vie et là je suis champion olympique », explique Rui Oliveira, habituel équipier du Slovène Tadej Pogacar, sur route, au sein de l’équipe UAE. A ce moment-là, son regard s’échappe vers les tribunes et une personne en particulier : son frère jumeau Ivo. Médaille de bronze de la poursuite sur ce même vélodrome lors des mondiaux en 2022, il a dû renoncer aux Jeux en raison d’une blessure pour laisser sa place à son frangin. « Je suis très fier de le représenter de la meilleure manière aujourd’hui, dit ce dernier. J’ai eu des derniers mois compliqués et je doutais d’être à la hauteur d’Ivo, mais j’ai eu la chance d’avoir un super coéquipier avec Iuri [Leitao]. »
Paré d’argent de l’omnium, jeudi, Iuri Leitao devient le premier sportif portugais à remporter deux médailles dans une même édition des Jeux. A côté de Rui Oliveira, le cycliste refaisait le film de cette fin de course renversante avec son entraîneur, incapable de retenir ses larmes. « On n’a jamais laissé tomber, même quand on était 9e ou 10e. On a toujours essayé de prendre un tour aux autres », détaille Leitao. Un tour pour marquer vingt points et lancer une formidable « remontada » avant de doubler les Italiens sur l’avant-dernier sprint.
Dans un pays où le football tient du monothéisme sportif, le cyclisme sur piste s’est fait une petite place au soleil ces dernières années. En 2009, un vélodrome couvert est ouvert dans la commune d’Anadia, dans le centre-ouest du pays. Leitao, comme les frères Oliveira, vont y faire leurs armes à côté de leur carrière sur route. Alors au moment de savourer sa victoire, Ivo Oliveira fait un vœu : celui que le Portugal développe une politique sportive plus ambitieuse.
« Je ne sais même si on a eu trente médailles [olympiques] dans notre histoire [vingt-neuf au total], mais s’il vous plaît : ne vous intéressez pas au cyclisme sur piste une fois tous les quatre ans, supplie-t-il. On a notre piste depuis quinze ans et regardez ce que nous sommes capables de faire. On doit être un exemple pour les autres disciplines. »
Sur le podium, les deux pistards ont chanté A Portuguesa à pleins poumons, accompagnés par une vingtaine de supporteurs, heureux et presque incrédules d’avoir assisté à un moment historique et inattendu pour le sport portugais. Comme le football n’est jamais très loin, Rui Oliveira et Iuri Leitao se sont amusés à imiter la fameuse célébration de but de Cristiano Ronaldo. Mais dimanche, la une des journaux sportifs ne sera pas occupée pour une fois par un joueur de Benfica, du Sporting Portugal ou de Porto, mais bien par deux cyclistes. D’ici-là, Rui Oliveira aura peut-être assez de batterie sur son téléphone pour répondre à 10,4 millions de Portugais.
Alexandre Pedro
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